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Visioconférences des 14, 15, 17 décembre 2009 et 6 janvier 2010
Résistance des bactéries aux antibiotiques
Pr. Alain PHILIPPON, Service de Bactériologie, Faculté de Médecine de Cochin-Port-Royal, Université Paris V, Paris, France.
Introduction
Les antibiotiques constituent une très importante classe thérapeutique, d’au moins trois cents molécules dont les premiers effets thérapeutiques furent tellement spectaculaires, ne parlait-t-on pas alors de “balle magique”, qui permirent la disparition de certaines maladies infectieuses ou encore le développement considérable de certains types de chirurgie. Cependant leur surutilisation dans de nombreux pays fût génératrice de problèmes de résistance acquise par exemple le pneumocoque et la pénicilline qui ont amené les autorités sanitaires de divers pays à instaurer une vigoureuse politique sanitaire de bon usage des antibiotiques par des campagnes de publicité destinées au grand public (http://www.antibiotiquespasautomatiques.com/). Il existe depuis peu en Europe, une journée du bon usage des antibiotiques (http://ecdc.europa.eu/en/ Pages/home.aspx).
Cependant limiter les actions pour contrer ce développement de la résistance des bactéries aux antibiotiques au seul milieu médical est insuffisant. L’avis récent en 2009 de l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) (http://www.efsa.europa.eu/fr/) sur le danger pour l’homme, des aliments et de certains réservoirs animaux, le porc par exemple, porteurs de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), montre les effets collatéraux de l’usage inconsidéré des antibiotiques dans le domaine vétérinaire. D’autres actions dans d’autres secteurs d’activité tels l’harboriculture, l’aquaculture..... devraient aussi être développées dans un futur proche.
Cours 1
L’histoire de la découverte des antibiotiques a été longue depuis la mise en évidence du phénomène d’“antibiose” par Joubert et Pasteur (1877) avec les étapes de la recherche de colorants antibactériens grâce à P. Erlich, dès 1885 qui amena la découverte dès 1932, du rubiazol, donc des sulfamides par G. Domagk. Il est vrai que purifier le principe actif ou “antibiote” ne fut pas une mince affaire pour la pénicilline G. Car après l’observation princeps de A. Fleming en 1928, cet antibiotique ne put être réellement prescript qu’après purification grâce aux efforts de H. Florey et E. Chain dès 1941.
Ce fut alors la période miraculeuse des antibiotiques avec les découvertes de la streptomycine, du chloramphénicol, des tétracyclines... mais aussi du noyau de base de la pénicilline, le 6-APA qui permit l’extraordinaire développement de l’hémisynthèse avec la découverte des isoxazolylpénicillines, des aminopénicillines, des carboxypénicillines, des uréridopénicillines, des carboxypénicillines ou encore des amdinopénicillines.........
Cependant depuis quelques années, peu de molécules nouvelles ont été découvertes alors que la prévalence de la résistance acquise chez es bactries va en augmentant.
Après avoir défini ce qu’est un antibiotique, nom donné par R. Dubos en 1940, les critères de classification des antibiotiques seront examinés (origine, nature chimique, modes d’action, modalités d’action et enfin spectre). Il est vrai qu’avec la multitude des dénominations communes internationales (DCI) mais aussi celles commerciales, l’intérêt médical de la classification n’apparait que plus nécessaire. Il conviendra d’insister sur les divers modes d’action des antibiotiques qui permettront de mieux comprendre les mécanismes de la résistance naturelle ou acquise.
Cours 2
La résistance acquise des bactéries aux antibiotiques est devenu un vrai problème de santé publique amenant à préciser sa prévalence par espèce bactérienne et par antibiotique avec la mise en place d’observatoires nationaux ou internationaux tels ONERBA (http://www.onerba .org/), EARSS (http://www.eucast.org/)..... Il convient aussi d’améliorer la prescription des antibiotiques avec les notions de spectre par antibiotique (espèce sensible, intermédiaire ou résistante). A la notion d’espèce habituellement sensible s’associera l’éventualité d’une résistance acquise, donc d’éventuel échec clinique permettant d’évoquer le terme de résistance clinique. L’antibiogramme pourra lever cette hypothèque mais il nécessite au préalable d’isoler la souche responsable de l’infection. Il s’agit d’un examen de laboratoire nécessitant du temps et de l’argent qui catégorise en sensible, intermédiaire ou résistant. Mais il peut ne pas être nécessaire à partir du moment où l’antibiothérapie de première intention s’appuiera sur un référentiel (par exemple AFSSAPS 2008, infections urinaires communautaires)(http://www.afssaps.fr).
L'antibiogramme outre la catégorisation clinique (S, I, R) permet d’abord, une mesure de l’activité d’un antibiotique en termes de concentration (CMI en mg/L). Cette activité in vitro d’un antibiotique (CMI) confrontée à des concentrations ou bornes critiques (c, C) permettra alors de définir les catégories cliniques évoquées ci-dessus. La détermination de ces bornes ou concentrations critiques (c, C) est sous la responsabilité de comités nationaux (CA-SFM), voire supranationaux avec l’EUCAST (http://www.eucast.org/)et le CLSI (http://www.clsi.org/) qui s’aideront de plusieurs éléments: distributions des CMI par espèce (cf aussi concentration épidémiologique ou epidemiological cutoff), paramêtres pharmacodynamiques et expertise clinique.
La résistance acquise aux antibiotiques présente généralement d’intéressantes caractéristiques, du moins pour les bactéries: émergence rapide, après cette phase, fréquence d’isolement de souches R rapidement en augmentation mais variable selon l'antibiotique, résistance malheureusement transférable d’une espèce bactérienne à une autre, car liée à la présence de gènes mobiles, addition ou accumulation de plusieurs mécanismes de résistance et enfin résistance qui peut être modulable avec divers échelons de niveau de résistance (exemple des BLSE ou encore de la résistance aux fluroquinolones).
Il convient de connaitre les divers types de résistance et de bien les définir en raison de leur intérêt médical : naturelle, acquise, croisée, chromosomique, génétique, extrachromosomique, associée, plasmidique, transposable, inductible, constitutive, de bas niveau, de haut niveau.
Cours 3
Comprendre les divers types de mécanismes de résistance a un intérêt médical, car il peut amener à une lecture interprétative de l’antibiogramme (résistance croisée, résistance associée), mais aussi à comprendre certains aspects épidémiologiques (diffusion rapide d’un gène de résistance),ou encore amener à la découverte de nouvelles molécules .... Par ailleurs les niveaux de résistance peuvent être fonction des conditions environnementales et il peut y avoir addition de plusieurs mécanismes aboutissant depuis queqlues années à isoler des bactéries résistantes à tous les antibiotiques nous ramenant avant l’ère des antibiotiques.
On distinguera classiquement les méchanismes biochimiques de ceux génétiques :
. méchanismes biochimiques
- Interférence avec le mécanisme de transport de type imperméabilité
- Interférence avec le mécanisme de transport de type efflux
- Inactivation ou détoxification enzymatique
- Modification d'affinité de la cible
- Substitution de cible
. mécanismes génétiques
- mutation
- acquisition de gènes de résistance par transfert (plasmide, transposon, intégron, gène cassette).
Ces mécanismes seront illustrés à l’aide d’exemples puisés de la pratique médicale avec le rôle de diverses bêta-lactamases dont les BLSE, celui des staphylocoques de type SARM, des pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline ou encore de la résistance acquise aux fluoroquinolones chez les entérobactéries.
Cours 4
L’antibiogramme ou encore la mise en place d’observatoires de la résistance permettant d’établir la prévalence de telle ou telle résistance pour telle espèce sentinelle (S. aureus et méticillino-résistance, S. pneumoniae et résistance à la pénicilline, E. faecalis et résistance à l’ampicilline, E. coli et résistance à l’ampicilline, à la pipéracilline, à la gentamicine, aux fluoroquinolones, P. aeruginosa et résistance à la ticarcilline, aux aminosides et aux fluoroquinolones......) nous amène à évoquer les méthodes de mesure de l’activité anti-bactérienne appréciée surtout par la détermination de la CMI confrontée ensuite aux concentrations critiques (c, C) s’il s’agit d’un antibiogramme à visée thérapeutique.
. Méthode directe par dilution (macro ou micro) en milieu liquide ou solide.
. Méthode indirecte par diffusion (disques, E-test).
. Méthodes automatiques anciennes et modernes ....
. Méthodes moléculaires allant de l’amplification génique (PCR simple, PCR muliplex) jusqu’au séquencage de gènes.
En pratique, l’exécution d’un antibiogramme obéit à des régles très strictes: milieu (Mueller-Hinton), inoculum, charge des disques, temps d’incubation...). Cependant le biologiste a la responsabilité de sa validation, il doit détecter diverses erreurs techniques, les mécanismes de résistance par espèce, puis effectuer l’interpétation finale des résultats bruts. Afin d’en montrer la complexité, nous prendrons l’exemple du staphylocoque doré. Dans l’optique d’une pratique de la biologie au niveau hospitalier, plus de 2000 règles d’expertise sont nécessaires à connaitre pour le biologiste ou bactériologiste.
Conclusions
Les antibiotiques sont victimes de leur succès. Il est vrai que l’optimisme des années 60-70 laissait espérer de continuelles découvertes. Or il n’en est rien. Nous devons donc gérer au mieux le capital existant qui va diminuant. Les bactéries se sont, en effet, formidablement adaptées en développant divers mécanismes de résistance permettant une diffusion au sein du monde bactérien. Il convient de mieux utiliser l’existant en évitant tout gaspillage , d’où l’intérêt d’une prescription raisonnée s’appuyant sur des référentiels ou encore une meilleure évaluation de la prévalence de la résistance par pays.
Sites à consulter cités lors des cours :
Campus de microbiologie médicale
Observatoire National de l'Epidémiologie de la Résistance Bactériennne aux Antibiotiques
The European Committee on Antimicrobial Susceptibility Testing
Clinical and Laboratory Standards Institute
Vous pouvez avoir accès aux enregistrements des quatre cours en cliquant ici.

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